
TRIBUNE
UNISSONS NOS FORCES POUR VAINCRE LE TERRORISME AU TOGO
Par Fulbert Sassou ATTISSO
Consultant et Président de Togo Autrement
« Quand la nation est en péril, les choix idéologiques n’ont plus d’importance. »
Pierre MENDES-France
Président du Conseil (France, Juin 1954 – février1955)
Le terrorisme continue de détruire la vie de nos compatriotes et les biens publics et privés. Pas plus tard que la semaine dernière, le terrorisme, ce mal absolu, a encore décimé des vies (civils et militaires) et rasé les biens de nos compatriotes dans le grand nord de notre cher pays. Malgré la bravoure, le dévouement, et le sacrifice dont font montre nos militaires, ces individus sans foi ni loi, mieux, ces assoiffés de sang, continuent de tuer et de semer la désolation dans nos communautés. Il ne faut pas plus de sang versé, de cheptels, de greniers et d’habitations pillés et détruits pour nous interpeller. Le tocsin a sonné pour le rassemblement des élites politiques et intellectuelles, tout bord confondu, face au fléau du terrorisme. Nous n’aurions aucun honneur d’attendre que ces terroristes, fichés au grand banditisme, viennent nous débusquer à Kara, à Lomé, à Aneho ou ailleurs pendant que nous serions entrain de susurrer : “ça ne nous concerne pas, Kpendjal est à plusieurs kilomètres de nous.” Or Kpendjal est au Togo et ses habitants sont nos frères et sœurs. Elle est si loin et si proche. Souvenons-nous de la célèbre phrase de ce résistant français qui, pour échapper aux Nazis, disait : “Je ne suis pas Juif, je ne suis pas résistant, je ne suis pas communiste.” Et pourtant, les Nazis sont venus le chercher parce qu’il était resté seul, sans défense, ayant refusé de les combattre et voulant leur échapper par toutes sortes de subterfuges. Alors levons-nous, et défendons-nous contre le terrorisme avant que les terroristes ne viennent nous chercher dans notre retranchement. N’attendons pas d’être une victime résignée ou qu’un membre de notre famille subisse ce fléau avant de nous engager dans ce combat.
Vaincre le terrorisme : un combat national

Au Togo, la lutte politique pour l’alternance ou la conservation du pouvoir a pris le pas sur les combats nationaux. Il n’est plus d’intérêt commun qui soit reconnu par tous et défendu par tous, indépendamment des bords politiques. Même quand il s’agit de parler du Togo à l’extérieur, il y a toujours deux types de Togolais et deux discours différents. Le concept “d’unité politique ” qui suppose qu’il y ait un ciment entre les idéologies politiques quand il s’agit des intérêts vitaux de l’État n’a aucun sens au Togo. Carl Schmitt, grand juriste Allemand, auteur du célèbre livre : “La notion de politique. Théorie du partisan ” concevait la politique comme le jeu de l’ami et de l’ennemi. Pour lui, l’ennemi, ce n’est pas l’adversaire politique mais plutôt tout ce qui peut mettre la nation en péril ou l’introduire dans la guerre. Si l’on veut percevoir le Togo à travers l’analyse “Schmittienne”, le seul ennemi du Togo aujourd’hui c’est le terrorisme. Du reste, le pouvoir et l’opposition sont des adversaires politiques, même si chaque camp pense que l’autre l’empêche par des moyens déloyaux d’atteindre son objectif. Si tout le monde est d’accord que le terrorisme est notre ennemi commun, et le seul péril pour le Togo, pour ses fils et filles, alors nous devons nous lever et assembler nos forces pour vaincre ce fléau dévastateur.
Comment assembler nos forces contre le terrorisme ?
Il est grand temps que nous comprenions que le combat contre le terrorisme n’est pas celui du seul pouvoir de Faure Gnassingbé, loin s’en faut. Au contraire, ceux qui constituent les cibles difficiles à atteindre par les terroristes c’est bien ceux qui sont protégés. Les cibles faciles ou les victimes potentielles du terrorisme sont les personnes non protégées et sans défense, en l’occurrence les militaires qui sont sur le théâtre des opérations, les populations des zones infestées par le fléau et les autres. Le combat est plus celui des populations vulnérables que des acteurs du régime qui bénéficient de la protection des forces de l’ordre. Bref, la lutte contre le terrorisme est un combat national qui n’a ni parti politique ni association ni foi religieuse. Il a juste besoin de tout ceux qui se sentent Togolais et aiment le Togo. Dans ce domaine, nous pouvons prendre exemple sur l’Europe, et ce n’est pas du tout en contradiction avec nos convictions panafricanistes.
Depuis la deuxième guerre mondiale, l’Europe de l’Ouest a été confrontée à deux types de terrorisme. Le terrorisme d’extrême gauche révolutionnaire et le terrorisme islamiste. Le terrorisme d’extrême gauche, d’obédience anarchiste, qui voulait désorganiser les États à travers des attentats, pour au final renverser les régimes politiques par la révolution, a été vaincu grâce à la mobilisation des populations aux côtés des pouvoirs politiques. La Bande à BAADER en Allemagne, avec des terroristes redoutables comme Andreas BAADER, le chef de bande, les tristement célèbres femmes Ulrike MEINHOF et Grudrun ENSSLIN, et Jan Carl RASPE, ainsi que la Brigade Rouge en Italie, avec des terroristes malfaisants comme Renato CURCIO, Alberto FRANCESCHINI et la femme Adriana FARANDA ont été interpellés et leurs entreprises détruites parce qu’ils ont été dénoncés par les populations. Il en est de même pour le terrorisme islamiste, animé par les partisans d’un islam déformé dans son exégèse et dont la vocation est de perpétrer des attentats contre les Etats de civilisations Judéo-chrétienne pour à la fin, créer partout des Khalifas qui seront dirigés par la loi de la Charia. Ces fous de l’islam, auteurs des attentats terroristes en Occident, ont été vaincus par la solidarité nationale et la mobilisation des populations aux côtés des décideurs. On se souvient de la solidarité internationale qui a été manifestée à l’égard de la France à travers la grande marche de Paris au moment de l’attentat contre le journal français Charlie Hebdo. Des chefs d’Etat africains sont allés marcher à Paris pour dénoncer l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo. Pourquoi ces chefs d’Etat ne viennent-ils pas marcher à Kpendjal au Togo ou dans la zone des quatre frontières au Bénin ou à Koupéla au Burkina Faso, à Ménaka au Mali ou encore à Maradi au Niger ?
Au Togo, nous pouvons vaincre le terrorisme si nous unissons nos forces au-delà de nos luttes politiques internes. Nous devons dépasser nos choix, nos bords politiques et nos conceptions idéologiques pour nous lever comme un seul homme face aux terroristes.
Que faire ?
L’éternelle question de Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine. Cette question, nous semble-t-il, est à la base de la résolution de toute problématique. Chacun doit jouer sa partition. Les pouvoirs publics disposent des forces armées. Leur rôle est d’opposer une lutte armée aux terroristes. Ces sanguinaires qui n’ont aucune pitié pour les pauvres gens innocents doivent être combattus férocement jusque dans leur dernier retranchement. L’Etat togolais doit outiller les militaires et acheter, si possible, de nouveaux équipements pour leur permettre de faire face efficacement aux terroristes. Ensuite, il doit promouvoir des projets de développement dans ces régions, afin de faire reculer la pauvreté qui constitue un des terreaux de la radicalisation des jeunes et de leur propension à suivre les terroristes. Les pouvoirs publics doivent intégrer l’idée que les armes ne sont pas le seul moyen pour combattre le terrorisme. Ils doivent développer des réseaux de renseignements efficaces pour réussir à identifier les terroristes et leurs lieux de provenance.
Les frontières des États africains sont poreuses. Les terroristes qui sévissent au Togo viennent du Burkina Faso, pour l’essentiel, partant parfois du Mali ou du Niger. Il suffit de longer la frontière, en partant de Cinkassé (Togo- Burkina Faso) jusque vers Fada N’Gourma (Burkina Faso- Bénin-Niger) pour constater que les peuples sont les mêmes de part et d’autre. Les Mossis du Burkina Faso, les Mobas du Togo, les Peulhs et les Gourmatchés constituent un melting pot sur la frontière nord du Togo. Les terroristes se fondent et se mélangent dans ces populations parmi lesquelles ils recrutent et bénéficient des complicités. Les militaires doivent les traquer et les mettre hors d’état de nuire. Aucune pitié pour ces bandits qui peuvent abattre de sang froid de pauvres villageois.
Le rôle des leaders d’opinions est de travailler à la conscientisation des populations sur le danger que constitue le terrorisme. Les partis politiques, les associations, les églises, la presse, les commerçants et même les simples citoyens doivent véhiculer partout l’idée que le terrorisme fait courir un grand péril à notre pays et que nous devons dénoncer les terroristes où qu’ils se cachent, les livrer aux militaires, refuser de collaborer avec eux et aider par tous les moyens l’Etat à les combattre. Chaque citoyen doit être un informateur des forces de défense et de sécurité dans le combat contre le terrorisme. Cette attitude n’enlève rien à l’opposant que nous sommes et ne nous empêche pas de défendre nos positions politiques quant à notre identité et à notre choix politique pour le Togo.
C’est malsain de rester dans son coin et se dire : nous sommes opposants ou révolutionnaires, la lutte contre le terrorisme n’est pas notre affaire, nous luttons pour l’alternance ou le maintien en place du régime. Ceux qui ont fait tomber IBK au Mali n’ont pas fini avec le terrorisme, pareil pour la Junte nigérienne qui a renversé Mohamed BAZOUM, elle lutte encore contre les terroristes. Au Burkina Faso, Ibrahim TRAORÉ se bat comme un beau diable contre les terroristes. C’est au nom de la lutte contre le terrorisme qu’il a renversé son prédécesseur qui, selon-lui, était complaisant vis-à-vis des terroristes. Et pourtant, il n’a pas fini avec ce fléau qui continue d’endeuiller le Burkina Faso. C’est pour dire que nous devons dissocier le combat contre le terrorisme, qui est un combat national transcendant les bords politiques, de la lutte pour l’alternance ou la conservation du pouvoir. Les luttes politiques internes doivent continuer mais le combat contre le terrorisme appelle à un rassemblement national au Togo. Ce combat appelle chaque Togolais et chaque Togolaise.